Psychothérapie et Relaxation en Biosynergie : Votre Mieux-Etre entre vos mains
 

L’ours au croissant de lune...

Le 19 juin 2001, par Pierre LASSALLE,

L’Ours au Croissant de Lune



Il était
une fois une jeune femme qui vivait dans une forêt de pins odorants. Depuis
des années, son mari était parti à la guerre. Quand il
fut enfin libéré ; il rentra chez lui dans une humeur de chien.
Il refusa d’entrer dans la maison, ayant pris l’habitude de dormir sur la pierre,
et il passa son temps dans la forêt, la nuit comme le jour.


A l’annonce de son retour, la jeune femme fut folle de joie. Tout excitée, elle courut faire des achats, revint, cuisina, repartit, recommença. Elle prépara des plats et des plats, trois sortes de poissons, trois sortes d’algues, de grosses crevettes orange froides, des monceaux de riz blanc saupoudré de piment rouge, des bols et des bols d’exquis fromage de. soja.

Avec un sourire timide, elle porta la nourriture dans la forêt et, : s’agenouillant devant son époux épuisé par la guerre, elle lui offrit le superbe repas qu’elle avait préparé. Mais il se leva d’un bond et donna un coup de pied dans les plateaux. Le fromage de soja se renversa, les poissons sautèrent en l’air, les algues et le riz s’éparpillèrent sur le sol et les grosses crevettes orange roulèrent sur le sentier.

" Laisse-moi seul ! " rugit-il. Il lui tourna le dos, dans une rage telle qu’elle eut peur. Et cela se reproduisit jusqu’à ce qu’en désespoir de cause, la jeune épouse finisse par aller trouver la guérisseuse qui vivait à l’extérieur du village, dans une caverne.

" La guerre a profondément meurtri mon mari, dit-elle. Il est perpétuellement furieux et il ne mange rien. Il veut vivre dehors et non plus avec moi, comme avant. Pouvez-vous me donner une potion qui le rendra aimant et attentif comme avant ?

La guérisseuse répondit : " C’est possible, mais j’ai besoin d’un ingrédient particulier. Malheureusement, il ne me reste plus de poils d’ours au croissant de lune. Il faut donc que tu.. escalades la montagne, que tu trouves l’ours et que tu me rapportes un seul poil du croissant de lune que son pelage forme sur sa gorge. Je pourrai. alors te donner ce que tu veux et la vie sera belle de nouveau. "

La tâche en aurait découragé plus. d’une, mais pas l’épouse, car c’était une femme amoureuse. " Oh " je vous suis. très reconnaissante, dit-elle. C’est bon de penser qu’on peut faire quelque chose. "

Elle se prépara donc pour le voyage. Elle chantonna " Arzgato zaishö ", ce qui est une façon de saluer la montagne et signifie : " Merci de me laisser escalader ton corps. "


Elle escalada les premiers contreforts, avec leurs rochers comme des grosses miches de pain, puis parvint à un plateau. recouvert par une forêt dont les arbres avaient de longs rameaux semblables à des draperies et des feuilles pareilles à des étoiles.

" Arzgato zaishö ", chantonna-t-elle. C’était une façon de remercier les arbres de soulever leur chevelure afin qu’elle puisse passer en dessous. Elle put donc progresser dans la forêt et reprit son ascension.

Il était devenu plus difficile d’avancer. Des fleurs pleines d’épines s’accrochaient à l’ourlet de son kimono et des rochers égratignaient ses mains minuscules. Des oiseaux bizarres volaient à sa rencontre dans le crépuscule. Cela lui faisait peur ; Elle savait que c’était des muen-botoke, des esprits des morts sans famille et elle chantonna des prières à leur intention : " Je serai votre parente. Je vous permettrai de connaître le repos. "


Elle continua de grimper, car c’était une femme amoureuse. Elle grimpa jusqu’à ce qu’elle aperçût de la neige sur le sommet de la montagne. Bientôt, ses pieds furent froids et humides. Elle continua cependant de grimper, de plus en plus haut, car c’était une femme amoureuse. Une tempête se leva ; la neige lui entra dans les yeux et dans les oreilles, l’aveugla. Elle continua cependant de grimper. Et quand la neige cessa de tomber, la femme chantonna : " Arzgato zaishö ", pour remercier les vents d’avoir cessé de l’aveugler.


Elle alla s’abriter dans une caverne profonde, si étroite qu’elle eut du mal à s’y glisser. Bien qu’elle eût un sac empli de provisions, elle ne mangea pas, mais se recouvrit de feuilles et s’endormit. Au. matin, tout était calme. On apercevait ici et là dans la neige de petites feuilles vertes. " Bon, se dit-elle, cherchons maintenant l’ours au croissant de lune.".

Elle chercha toute la journée.. Vers le crépuscule, elle découvrit de grosses crottes et n’eut pas besoin d’aller plus loin. La silhouette d’un gigantesque ours noir se découpait sur la neige. Avec un rugissement furieux, l’ours se dirigea vers sa tanière en laissant derrière lui de profondes traces et y pénétra. La jeune femme ouvrit son sac et plaça dans un bol la nourriture qu’elle avait apportée, puis déposa le bol à l’extérieur de la tanière, avant de courir se mettre de nouveau à l’abri. Alléché par l’odeur de la nourriture, l’ours sortit de sa tanière en se dandinant. Il rugit si fort que de petites pierres se détachèrent de la montagne. Il s’approcha alors à bonne distance de la nourriture, en dessinant un cercle, huma le vent, avant d’avaler les aliments en une seule bouchée. Puis, se redressant sur ses pattes de derrière, il regagna sa tanière.

Le lendemain soir, l’épouse recommença. Elle déposa la nourriture, mais cette fois, au lieu de faire retraite vers son abri, elle resta à mi-chemin. L’ours sentit la nourriture, s’extirpa de sa tanière, poussa un rugissement à décrocher les étoiles, dessina un cercle autour des aliments, huma précautionneusement le vent, mais finit par engloutir la nourriture et retourna dans sa tanière. Et ainsi de suite, pendant de nombreux soirs, jusqu’à ce que, par une nuit d’un bleu profond, la femme se sentit suffisamment de courage pour attendre un peu plus près encore de la tanière.

Elle laissa la nourriture dans le bol à l’extérieur de la tanière et demeura près de l’entrée. Quand l’ours renifla l’odeur des aliments et sortit à pas pesants, il découvrit, outre la nourriture habituelle, une paire de petits pieds humains. il tourna la tête de côté et poussa un rugissement si puissant que les os vibrèrent dans le corps de la femme.

La femme trembla, mais ne recula pas. L’ours se dressa sur ses pattes de derrière, fit claquer ses mâchoires et rugit si fort que la femme put voir jusqu’au fond de son palais rouge et brun. Mais elle ne s’enfuit pas. L’ours rugit encore, tendit ses pattes antérieures en avant comme pour s’emparer d’elle. Ses dix griffes restaient suspendues comme autant de longs couteaux au-dessus du crâne de la femme. Celle-ci tremblait comme une feuille dans le vent mauvais, mais elle ne céda pas un pouce de terrain.

" S’il te plait, cher ours, supplia-t-elle, j’ai fait tout ce chemin parce que j’ai besoin d’un remède pour mon mari. " L’ours reposa ses pattes avant à terre en faisant jaillir la neige et dévisagea la femme effrayée. Un moment, elle crut voir dans le vieux, vieux regard de l’ours le reflet de chaînes de montagnes, de vallées, de rivières, de villages et une grande paix l’envahit, tandis qu’elle cessait de trembler.

" S’il te plaît, cher ours, je t’ai nourri tous ces derniers soirs. Pourrais-je avoir l’un des poils du croissant de lune sur ta gorge ? " L’ours fit une pause. Cette petite femme était de la nourriture facile pour lui. Mais soudain, une vague de pitié à son égard le submergea. " Il est vrai, dit l’ours au croissant de lune, que tu as été bonne pour moi. Tu peux prendre l’un de mes poils, mais fais vite, puis va-t-en. "

L’ours leva son mufle, dévoilant le croissant de lune blanc sur sa gorge et la femme put voir les pulsations de son coeur, qui battait là. Elle posa une main sur le cou de l’ours et de l’autre saisit un seul poil brillant, puis tira d’un coup sec. L’ours recula et poussa un cri de douleur, qui laissa bientôt la place aux grognements de quelqu’un que l’on dérange.


" Oh, merci, cher ours, merci beaucoup. " La femme faisait
des petits saluts, encore et encore. Mais l’ours fit un pas en avant en grognant.
Il rugit à l’adresse de la femme des mots qu’elle ne pouvait comprendre
et qu’il lui semblait pourtant connaître depuis toujours. Elle fit demi-tour
et dévala la montagne à toutes jambes. Elle courut sous les arbres
dont les feuilles étaient en forme d’étoiles, en. criant "
Arigato zaishö ",
pour remercier les arbres de soulever leurs
rameaux afin de lui livrer passage. Elle trébucha sur les rochers qui
ressemblaient à de grosses miches de pain en criant "
Arigato
zaishö
", pour
remercier la montagne de lui permettre de marcher sur son corps.


Malgré ses vêtements en lambeaux, sa chevelure défaite et son visage maculé, elle descendit en courant les marches de pierre qui conduisaient au village, emprunta la route de terre battue, traversa la petite bourgade et pénétra dans la cabane où la vieille guérisseuse était en train d’attiser le feu.

Regardez, regardez ! s’écria la jeune femme. Je l’ai, je l’ai trouvé, je l’ai obtenu, le poil de l’ours au croissant de lune !

- Bien ", dit la guérisseuse en souriant. Elle regarda la jeune femme, prit le poil d’un blanc pur et l’éleva vers la lumière. Elle le soupesa dans sa vieille main, le mesura avec un doigt et s’exclama :

" Oui, c’est là un authentique poil de l’ours au croissant de lune. "

Puis elle fit soudain volte-face et jeta le poil dans le feu, où il se consuma dans les flammes orange avec de, petits crépitements.

" Oh non ! cria la jeune épouse. Qu’avez-vous fait ?

- Calme-toi. C’est bien. Tout va. bien, dit la guérisseuse. Tu te rappelles chaque pas que tu as fait pour escalader la montagne ? Tu te rappelles chaque pas que tu as fait pour gagner la confiance de l’ours ? Tu te rappelles tout ce que tu as vu, tout ce que tu as entendu, tout ce que tu as ressenti ?

- Oui, dit la jeune femme, je me le rappelle parfaitement. "

La vieille guérisseuse lui adressa un doux sourire. " Eh bien maintenant, ma fille, dit-elle, rentre chez toi avec cette compréhension nouvelle et suis la même méthode avec ton mari. "


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